Biographie semi imaginaire d'un poste de TSF
Le 5 septembre 1934, l'agent réceptionnaire de la Cie Hydro-Electrique d'Auvergne, société anonyme au capital de 69.500.00 Frs, sise à Clermont-Ferrand, après avoir scrupuleusement vérifié le fonctionnement de ce Supra 8, apposait à l'encre violette sa signature sur la fiche de contrôle et la collait sur le flanc intérieur de l'appareil, en gage du sérieux du fabricant auvergnat, afin que le futur acheteur pût l'acquérir en toute confiance.
Ce magnifique appareil allait donc trôner quelque temps dans une vitrine clermontoise en attendant un heureux acquéreur...
Quelle a été la vie de ce Supra 8 depuis ce jour de 1934 ? Nous en sommes réduits aux hypothèses. Apparemment, il a dû avoir une période de vie heureuse, car son vernis a été bien conservé. Aucun pot de fleur n'y a été posé qui en eût auréolé le dessus d'une horrible tache, comme c'est souvent le cas.
Puis un jour, peut-être dans les années 1950, il est tombé en panne. Son propriétaire l'a conduit en urgence chez un réparateur, qui n'a pas voulu le réparer, arguant qu'il s'agissait d'un appareil obsolète, et en a profité pour lui vendre, à la place, un poste à oreilles dernier cri.
Le pauvre Supra 8 a dû passer quelques décennies dans l’arrière boutique du dépanneur, puis un jour il s’est dit que le châssis pouvait partir à la ferraille, mais qu’il allait garder la caisse, dont le bois n’était pas laid, et qui pourrait peut-être servir un jour. D’autres décennies ont donc passé. Le dépanneur est décédé. Puis un jour, par le plus grand des hasards, cette carrosserie m’est tombée entre les mains, ce devait être vers la fin des années 1990, comme elle faisait partie d’un lot à débarrasser. Inutile de dire que je n’en aurais pas donné une roupie.
Elle passa deux autres décennies dans mon garage, menacée d’une fin tragique à la déchetterie. Mais je ne pouvais m’y résoudre et je repoussais toujours l’échéance. C'était peut-être la fiche de vérification qui me dissuadait de cette mauvaise action et la signature qui m'inspirait un certain respect à l'égard de cet homme qui, il y a 83 ans, certifiait que cet appareil fonctionnait parfaitement.
Enfin, le 1er octobre 2017, un miracle se produisit, comme il en arrive parfois dans le Berry. Et ce Supra 8 retrouva miraculeusement la parole. C’est ainsi qu’il fut sauvé, ou que du moins il échappa provisoirement au principe d'entropie.
Le destin des postes de TSF, comme celui des hommes, est imprévisible. C'est pourquoi on dit, à posteriori, que c'était le destin.
Et nul doute que le brave agent réceptionnaire de la Cie Hydro-Electrique d’Auvergne qui avait paraphé à l’encre violette ce poste, s’il revenait parmi nous … n’en reviendrait pas !