Histoire de la station Europe 1 ( extrait du journal du musée de Boeschèpe )
L’origine
L’origine d’Europe 1 remonte à 1945. C’est Charles Michelson qui en est à l’initiative.
Cette année-là, le gouvernement français instaure le monopole sur la radiodiffusion. Cette mesure ne s’applique pas aux radios " périphériques " dont les émetteurs sont situés hors du territoire français (Radio Luxembourg, Radio Andorre et Radio Monte-Carlo).
Michelson obtient la concession des ondes courtes de la principauté de Monaco pour une durée de 5 ans, sous l’autorité de la SOFIRAD, organisme de gestion financière contrôlée par l’état.
En 1952, la société de Michelson est choisie pour créer une chaîne de télévision dans la région allemande de la Sarre, alors sous protectorat français : Télé-Sarre. Il obtient la concession pour 50 ans d’un émetteur télé et d’un émetteur radio de 400kW en Sarre. Ayant été déçu par le peu d’impact qu’avait Radio Monté-Carlo (la station en ondes courtes ne pouvait être reçue principalement que des Alpes Maritimes aux Bouches du Rhônes), Michelson souhaite disposer d’un émetteur grandes ondes pouvant couvrir une importante partie du territoire français.
La naissance
Pour sa nouvelle radio, Michelson débauche Louis Merlin de RTL ainsi que Pierre Sabbagh, le créateur du journal télévisé en 1949.
Les studios d’Europe n°1 sont installés au 26 bis rue François Premier à Paris, dans les anciens studios de Voice of America.
La première émission débute le 1er janvier 1955 à 6h30, par la diffusion d’un indicatif composé par Maurice Jarre, suivi de la phrase « Ici Europe n°1 » en français, en anglais et en allemand.
Mais à 7h, il faut déjà stopper car la fréquence est celle des radiophares de l’Aéroport de Genève (sur 640 kHz).
Le premier logo d’Europe n°1
Le 2 janvier, nouvelle tentative sur 250 kHz ; cette fois la Finlande se plaint de brouillage. Sur l’essai sur 245 kHz, le Danemark et la Norvège protestent !
Le 10 janvier, Europe n°1 passe à 238 kHz, mais Radio Luxembourg (233 kHz) est brouillée. Europe n°1 est accusée de contrevenir à la convention de Copenhague qui avait prévu que la Sarre ne pourrait pas disposer d’un émetteur ondes longues,
Europe n°1 rétorque que Radio Luxembourg n’est pas elle-même signataire de cette convention et qu’elle émet sur une longueur d’onde qui lui a toujours été refusée.
Europe n°1 cesse d’émettre le 19 janvier. Il faudra attendre le 3 avril 1955 pour que commence enfin la diffusion sur une fréquence propre ; en effet, Europe n°1 a récupéré la fréquence de Radio Paris (sur 1647m GO, à 183 kHz).
L’émetteur d’Europe n°1 à Felsberg : Les débuts
Suite à des difficultés financières, Michelson doit très rapidement céder Europe n°1. La SOFIRAD rachète une partie des parts, Sylvain Floirat devenant actionnaire majoritaire. Louis Merlin et Maurice Siegel prennent alors la direction de la station. La radio adopte un ton plus jeune et plus moderne, comparé aux radios de la RTF (ancêtre de l’ORTF). Ils lancent par exemple le premier « journal parlé », innovation à attribuer à Claude Terrien, Jean Gorini et Pierre Sabbagh : ce n’est plus un speaker mais un journaliste qui vient directement présenter le journal.
Europe n°1 arrive en pleine guerre d’Algérie. Profitant de son indépendance et de l’invention du magnétophone Nagra, la radio fait le lien entre les appelés et leur famille restée en métropole.
Parmi les émissions qui feront le succès d’Europe n°1, on peut citer - pour ceux qui aiment le jazz- qu’ Europe n°1 est alors la première radio française à diffuser du jazz, émission de Frank Ténot , diffusée chaque soir , puis Signé Furax (de Pierre Dac et Francis Blanche), Vous êtes formidables (Pierre Bellemare), et Musicorama (diffusant des tours de chant depuis l’Olympia), Europe 1 sur le tour de France, Bonjour Monsieur le Maire .
Les années 60 et 70
L’arrivée du transistor révolutionne l’utilisation de la radio. Fini l’écoute du gros poste de TSF en famille, le poste de radio à transistors étant moins gros et moins onéreux, chacun peut écouter son émission de son côté. Les jeunes ne sont plus obligés d’entendre la musique de leurs parents et peuvent suivre dès le 19 octobre 1959 Salut les Copains (présenté par Daniel Filipacchi) qui diffuse du Rock’n’roll provenant des USA, contribuant ainsi à la vague « yé-yé ».
Europe n°1 est liée au Tour de France. D’abord parce qu’elle suit l ’ évènement avec ses reporters qui sillonnent la France dans leur voiture jaune et rouge jusqu’en 1965, puis de couleur orange. Mais également
parce qu’elle organise tout l’été les podiums d’Europe 1, en produisant de grands concerts avec de nombreux artistes.
Quelques émissions phares de la station durant les années 60 : Bonjour
Monsieur le Maire (Pierre Bonte), Les dossiers extraordinaires (Pierre Bellemare) ou encore Europe Stop (qui inspirera le début du film Le quart d’heure américain avec Gérard Jugnot et Anémone).
On ne peut pas parler des années 60 sans parler de mai 68, évènement dans lequel les radios Europe n°1 et RTL ont joué un rôle important. Ces radios étaient d’ailleurs surnommées « Radio-barricades ». Elles couvraient largement l’actualité et contournaient la censure grâce à leur émetteur situé hors du territoire pour transmettre en direct l’évolution des manifestations.
Les étudiants ont largement profité de cet outil pour faire passer leurs revendications.
Le ministère de l’intérieur proteste vivement et finit par couper les fréquences des radiostéléphones des voitures des journalistes. Ces derniers se réfugient alors chez des particuliers des alentours et « réquisitionnent » leur téléphone pour continuer à faire leur reportage.
L’émission " Les lurons de midi " , Jean Pierre Elkabbach, Thierry Le Luron,
Bernard Mab , Maryse Gildas et Christian Morin
Malgré son indépendance et ses capitaux privés, Europe n°1 subit les influences gouvernementales.
Ainsi en 1974, avec l’arrivée de Valérie Giscard d’Estaing et de Jacques Chirac, Maurice Siegel est poussé à démissionner, il était présent depuis le début. Il est remplacé par Jean Luc Lagardère, assisté d’Etienne Mougeotte comme directeur d’antenne.
En 1976, la station devient n°1 des audiences devançant RTL et France Inter.
Elle change également de logo et passe de la couleur orange au bleu.
Le tournant des années 80
En 1981, devant le nombre grandissant de « radios libres » en FM, le gouvernement finit par les autoriser.
Mais les radios périphériques n’obtiennent pas de fréquences FM. Les nouvelles radios captent des auditeurs, notamment les plus jeunes. De plus RTL est repassée devant et creuse l’écart.
En 1983, Europe 1 officialise son nouveau nom, faisant disparaître le n° qui n’était plus prononcé à l’antenne depuis 1969.
En 1986, la radio devient totalement privée puisque Jean- Luc Lagardère et sa société Hachette rachètent les dernières parts de la SOFIRAD. Cette année-là, Europe 1 et les autres radios périphériques obtiennent enfin leurs fréquences FM.
Pour redresser ses audiences et récupérer les jeunes auditeurs, Europe 1 lance le 4 novembre 1984 (conjointement sur la nouvelle chaîne Canal+) l’émission Top 50, présentée par Marc Toesca. L’émission innove en donnant le décompte des meilleures ventes des albums.
Jusqu’alors seuls des sondages et les chiffres fournis par les maisons de disque permettaient de savoir quelles étaient les chansons à la mode.
En 1985, Coluche retrouve l’antenne d’Europe 1 qu’il avait tenue en 1978 avec l’émission On n’est pas là pour se faire engueuler. C’est sur sa nouvelle émission Y en aura pour tout le monde qu’il lance un appel aux dons pour ceux qui ne mangent pas à leur faim. C’est le début des Enfoirés.
Pour ceux qui veulent aller plus loin, Europe 1,une grande radio de Luc Bernard aux éditions Centurion, et le dictionnaire amoureux d’Europe 1 de Frank Ferrand aux éditions Plon .