Réparation Luxman L-30

Bonsoir,
Vous ai-je parlé de ce petit Luxman L-30 arrivé en panne ?

Il a une très belle présentation, façade argentée et boitier en bois. Quelques boutons très agréables à manipuler (cet effet un peu « visqueux », ni trop souple ni trop dur) offrent les commandes classiques d’un amplificateur. Les réglages de basse et aigus indépendants pour gauche et droite. 4 entrées: phono, tuner et aux 1/2. Sortie casque.

Très propre malgré quelques lettrages qui s’enlèvent en façade. Il suffira d’un bon coup de chiffon pour le requinquer.

L’intérieur est lui aussi bien assemblé, quoique le radiateur soit un peu léger pour ses 2x32W comme on va le voir par la suite.

On a deux cartes: une pour l’amplificateur à proprement parler, et l’autre pour tout ce qui est sources, phono et tonalité.

En voici le schéma:


Très classique, avec assez peu de composants finalement.

Les symptômes de la panne: un fusible HS sur la voie de droite.
Après remplacement puis démarrage avec lampe limiteuse de courant, le bornier HP indique +35V ! ça n’est pas bon, j’ai peur qu’un des transistors de sortie soit mort, surtout cette série Toshiba au lettrage rouge qui me fait peur.


Avantage: ils sont montés sur supports, il suffit donc de dévisser les 2 vis pour chaque puis de tirer délicatement dessus. Je démonte les 4 pour séparer le PCB du radiateur afin d’intervenir. Celui-ci a déjà eu une réparation avec 3 transistors remplacés.

Après test au testeur universel, tous ceux de puissance fonctionnent ! Certes qu’a tension assez faible.

La démarche est simple, je relance l’ampli sans les transistors de sortie: si c’est eux le problème les drivers devrait sortir le bon signal sans charge: ça ne marche toujours pas. C’est donc plus en amont. Les divers tests indiquent que tous les transistors qui n’ont pas été changés sont bon. Tiens tiens tiens… Deux possibilités: soit la panne est un peu plus sinueuse, soit les transistors « neuf » sont tout pourri, je vérifie l’absence de court circuit, la paire diff sonne: bingo !

Je dessoude donc les 2 transistors constituant la paire différentielle: ce sont des NPN C1845 au lieu de PNP 2SA750, ça ne pouvait pas marcher ainsi…


L’un des deux s’est transformé en fil, envoyant la polarisation dans les choux ce qui cause le +35V en sortie.

Les broches sont ECB, je trouve un équivalent dans mon maigre stock: A1015. Il a à peu près les mêmes caractéristiques quoique ne tient que 50V au lieu de 80V, mais il n’y a que 38V au maximum donc ça suffit.

https://alltransistors.com/transistor.php?transistor=8793

Une fois tout ce petit monde remis en place avec un peu de pâte thermique sur les deux transistors collés comme de l’autre côté, je lance: 0V en sortie, bon début. Injection d’une sinusoïdes: ça sort !

Je remonte les transistors de puissance en ajoutant de la pâte thermique (il n’y en avait quasiment pas avant). Puis je règle la polarisation à 45mA par transistor comme d’après le manuel. Je le fais par mesure de la tension dans les résistances d’émetteur de 0.33Ohm, donc x3 de ce qu’affiche le multimètre.

Il a tourné une petite demi-heure à 5W en sortie sans soucis (j’ai oublié que j’avais une charge de 2x80W pour tester plus fort :roll_eyes:)

Réponse carré à 1kHz:


C’est très plat, les vagues sont dues au circuit de réglage de tonalité qui fausse un peu le test (il n’est pas contournable)

Température du radiateur à la fin du test: 35°, sachant qu’il fait 7° au garage, on comprend vite qu’il ne faut pas pousser le volume trop for ! Le multiplicateur de Vbe n’est en plus pas couplé thermiquement aux transistors de sortie, donc risque d’emballement thermique…

Je pense ajouter à terme un petit circuit de protection HP tout fait, ça ne coûte rien et ça pourrait sauver des enceintes! En tous cas un test d’une heure à l’oreille volume à mi-chemin n’indique pas de problèmes particuliers.

Merci de votre lecture,

Arthur

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Bonsoir,
C’est toujours intéressant de réparer un ampli propre.
Les transistors sont donnés pour Pcmax=50W @ 25°C et Tjmax=150°C.
La puissance maxi dissipée dans un étage classe B est de 40% de la Pmax (à la puissance de sortie de 0,4 Pmax), soit environ 13W au total ou 6,5W par transistor.
Un calcul rapide montre qu’une résistance thermique radiateur + isolant de 13°/W pour chaque transistor, soit 6,5°/W pour les deux transistors suffirait pour une ambiance à 40°C (à la louche). Ça ne tient pas compte de la polarisation. Un calculateur en ligne donne environ 2°/W pour une plaque alu noirci de 300 x 100 x 5 mm, ça me paraît peu, mais ça indique quand même que la partie thermique a été bien dimensionnée.
J’ai trouvé cet article qui m’a l’air pas mal.
Les principaux problèmes peuvent provenir de :

  1. la dérive de la tension continue (0V) en sortie
  2. le vieillissement des capacités chimiques
  3. le vieillissement des contacts (potentiomètres, contacteurs)
    Pour le point 3, j’utilise le spray Kontakt 60.
    Pour le point 2, il est nécessaire de les remplacer, par exemple par des modèles 105°C plus fiables.
    Pour le point 1, c’est plus compliqué. Je trouve personnellement que les sécurités sont difficiles à mettre en œuvre. Voici ce que j’ai fait sur un Marantz 15 où les amplis sont alimentés par +42V et -42V, avec une connexion directe avec la charge : ajout d’un circuit d’asservissement de la tension continue (moyenne) de sortie à 0V, ce qui présente de plus l’avantage de supprimer la capacité 47microF, 10V qui isole la base de Q202.
    J’ai trouvé ce circuit dans un article signé Erno Borberly dans un Audio Amateur de 1984 (pièce jointe). Il s’adapte facilement à ce type de schéma et fonctionne parfaitement.
    Bon courage !
    AA_Borberly_Servo_100_mosfet_1984.pdf (4,8 Mo)
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Bonjour,
Merci de votre réponse détaillée. Il est vrai que j’ai affirmé que le radiateur est un trop petit un peu à la va vite.

Je me permets de reprendre vos calculs plus précisément:
Chaque transistor est polarisé de telle sorte qu’il doit dissiper 1.5 watts.
A 0.4 Pmax, le rendement en classe B est de 0.5, donc 320.40.5=6.4W par canal, chaque transistor se répartissant ça de la même manière 3.2W. Au total 4.7W avec la polarisation.
L’équation de base de la thermique est:
T1=T2+R12*P

La température junction to case d’un 2N3055 est de 1.5°C/W. On peut estimer celle du duo pâte thermique/film isolant à 0.5°C/W en prenant en compte la surface et la conductivité.
Si on se fie à votre calculateur pour la résistance dissipateur-air ambiant, la température du dissipateur (qui dissipera 4P) sera:
Td=40+2
44.7=77.6°
Température boitier (qui ne doit dissiper que P):
Tb=77.6+0.5
4.7=80°
Et enfin la température de jonction qui dissiper elle aussi P:
Tj=80+1.5*4.7=87°
Ça commence à chauffer.

En refaisant les calculs à Pmax (ce qui en pratique n’arrive jamais car on met rarement un sinus à fond):
Td=108°, Tb=112°, Tj=125° ça claque !

Ceci dit pour donner une idée après 1h de fonctionnement sur enceinte dans le salon et à mi-volume (donc en prenant encore le volume moyen de la musique on doit se trouver à peine à 1/4 Pmax), la température à l’intérieur de l’enceinte est monté à 36°. Ce qui reste raisonnable vu le volume sonore déjà trop fort.

Le principal problème est l’augmentation du courant collecteur en fonction de la température, difficile à évaluer.

Pour le point 3 j’ai passé un coup de bombe KF pour les potentiomètres qui crachouillaient :grin:

Merci pour cet article. En revanche je ne vois pas trop l’intérêt de supprimer la capa sur la base de Q202, celle-ci permet justement d’avoir un gain DC retour maximal (en évitant un pont diviseur) et une contre-réaction pour le reste des fréquences fixée par le constructeur ?

Bonsoir
Je suis retombé sur votre article que je viens de comprendre ! Je n’avais pas trop saisi l’intérêt des systèmes « DC servo » la dernière fois (qui n’est d’ailleurs pas mentionné dans votre article)

Je vous conseille donc en retour la lecture de cet article en anglais lui aussi, que je trouve assez bien écrit, mais qui est très à charge contre ces systèmes.

Arthur

Bonsoir,
Merci d’avoir pris le temps de me lire !
La RthJ-C d’un boîtier TO-3 doit varier en fonction de la technologie et elle est rarement indiquée sur les datasheets modernes. Un vieux datasheet Motorola donne 1,52°/W max pour le 2N3055, ce qui correspond à votre chiffre.
La valeur de 0,5°/W pour l’ensemble isolant+graisse me paraît également un bon ordre de grandeur.
Le derating pour le D371 vaut 0,4W/°, soit en gros 12°C de moins que la température max jonction de 150°C, soit 138°C : il y a donc de la marge.
Effectivement, l’évolution du courant de repos est un problème si les radiateurs sont dimensionnés au plus juste.
Sur beaucoup d’amplificateurs, l’élément qui règle le courant de repos (ici le C945 noté Q204) est en contact thermique avec le radiateur, le plus près possible d’un transistor de sortie. Ce doit être possible de déporter ce transistor et le maintenir mécaniquement au contact du radiateur. Il peut sans doute être envisagé de concevoir un asservissement du courant de repos, mais ce doit être une usine à gaz.
Pour ce qui est de la suppression de la capa isolant la base du Q202, mon principe est qu’il est toujours bon de supprimer un condensateur électrochimique. Ils m’ont toujours causé des problèmes, surtout quand leur tension de polarisation est très faible, comme c’est le cas ici.
Pour ce qui est de l’asservissement de la tension moyenne de sortie à 0V, j’ai simplement trouvé que le schéma était élégant et j’ai fait confiance à son créateur Erno Borbely (Dynaco et Hafler). Il est considéré que la tension continue de sortie doit être la plus faible possible. Marantz et d’autres avaient résolu le problème en appairant les éléments des paires différentielles (ici Q201 et Q202), chose qui n’est pas à ma portée.
Bon courage !

Je suis d’accord sur le fait qu’un chimique est sujet à panne, mais est-ce rentable de le remplacer par près de 15 composants ? Je ne suis pas sûr, d’autant plus que parfois le système servo est composé… de condensateurs chimiques ! Comme vous pourrez le voir sur ce sujet Réparation amplificateur Marantz PM-750DC, ça peut poser problème:

Bonsoir,
J’ai adopté un asservissement à 0V de la tension moyenne de sortie, car après la remise en état du Marantz 15 en ma possession, la tension continue de sortie se situait entre 0,5V et 0,6V avec le potentiomètre R19 (voir schéma Marantz) en butée. J’avais clairement un problème d’appariement des paires de transitors Q102-Q103 et Q105-Q106 que je ne savais pas résoudre. Avec en plus un problème potentiel avec le condensateur chimique C7 très faiblement polarisé et pas forcément dans le bon sens.
J’ai donc pris la décision d’asservir la tension moyenne de sortie avec un schéma éprouvé et qui n’utilise aucun condensateur chimique. Ce schéma correspond au deuxième type (Non-inverting DC servo) de l’article très intéressant que vous avez communiqué, et très différent de celui mis en œuvre sur le Marantz PM-750DC qui correspond plutôt au premier type (Inverting DC servo).
Je n’observe à ce jour aucun claquement dans les haut-parleurs ni à l’allumage ni à l’arrêt de l’ampli.