Le problème avec cette analyse de LesNumériques, c’est qu’elle oublie de prendre en compte les changements de contextes pour justifier les chiffres annoncés. Et par ailleurs, l’article n’est pas clair. Sur ce point, un exemple :
« Linux a dépassé les 5 % de parts de marché sur les ordinateurs de bureau aux États-Unis ». Lorsqu’on parle d’ordinateur de bureau, cela concerne généralement des entreprises.
Mais
« celle d’un public qui se détourne progressivement de Windows ». Lorsqu’on parle « d’un public », il s’agit en général des particuliers qui peuvent choisir leur système.
Alors, « particulier » ou « entreprises » ? Je pense qu’il s’agit du marché des particuliers étant donné les exemples donnés ensuite. Et ça change beaucoup de choses dans l’analyse.
Dans les trucs aguicheurs et douteux, il y a aussi le titre « Linux dépasse un seuil historique que Microsoft pensait intouchable ». J’ai peut-être loupé l’annonce mais je n’ai jamais entendu « Microsoft » affirmer cela. Et depuis qu’un haut responsable chez IBM ou Univac dans les années 1950 a dit (de mémoire) qu’avec 4 ou 5 ordinateurs dans le monde, on aurait fait le tour de la question, les gens un peu sérieux (Microsoft me semble une boite sérieuse) évitent de faire ce genre de prédictions.
L’analyse oublie aussi les changements de contextes (qu’on a pourtant déjà vécu en d’autres temps dans le monde de l’informatique).
Il y a entre vingt et trente ans, les particuliers qui voulaient profiter de certains usages de l’informatique, dont les communications à travers internet (email, vidéo, accès aux sites Web…) utilisaient un ordinateur, essentiellement sous Windows.
Puis sont arrivés les smartphones et dans une moindre mesure, les tablettes. Beaucoup de particuliers trouvent dans ces appareils ce qui leur convient et pour certains, ont carrément laissé tombé les ordinateurs: le smartphone leur suffit. On assiste même à une incapacité de plus en plus de jeunes (collège-lycée) qui ne savent simplement plus se servir d’un ordinateur avec un clavier (si, si. On les voit chercher comment mettre en route l’appareil et tenter d’interagir en mettant leur doigts sur l’écran).
Du coup, qui reste-t-il ?
- Les « pas spécialement informaticiens » qui utilisaient et continuent d’utiliser Windows parce qu’ils ont l’habitude et qu’ils trouvent ça suffisamment bien et qui n’ont pas envie de perdre de temps à apprendre à utiliser un autre système. Certains peuvent aussi choisir Linux mais ce ne sont probablement pas les plus courants.
- Les « plus ou moins informaticiens » qui choisiront l’un ou l’autre système selon toutes sortes de critères dont le coût, l’envie de faire la nique à Microsoft, les usages spécifiques, et que sais-je encore.
- Les informaticiens purs et durs dont beaucoup utilisent Linux pour toutes sortes de raisons (à commencer par le fait que la plupart des serveurs réels ou virtuels qu’ils utilisent tournent sous Linux. Donc tant qu’à faire…).
Il y a fort à parier que la proportion de cette dernière catégorie augmente dans la population des particuliers qui ont encore un ordinateur. Cette évolution pourrait peut-être suffire pour expliquer cette augmentation de la part de marché.
Ce n’est qu’un élément parmi d’autres qui est absent de l’analyse. Il y en d’autres. Sans développer, j’en citerai deux que je considère comme important :
- un est lié à l’évolution du business model de Microsoft entamé il y a environ une quinzaine d’années.
- l’autre est lié à l’évolution de la valeur dans le monde de l’informatique. Windows, c’est un changement dans la valeur qui est apparu dans les années 1990. Depuis, il y a eu deux autres changements fondamentaux. Les systèmes d’exploitation, ce n’est peut-être plus le véritable enjeux.